De la mise en scène de l’industrie triomphante à la désindustrialisation

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Les photographes, tout comme les artistes, vivent dans leur temps. Leur rapport à l’industrialisation est celui de leur perception de ce phénomène débutant avec L’Encyclopédie et cheminant tout au long du XIXème siècle. Ce cheminement est perçu par ses aspects les plus emblématiques concrétisés par les paysages, les bâtiments, les machines et les hommes. C’est ce fil conducteur qui est dévidé au cours de cette exposition.

De la fin du XVIIIème siècle jusque vers 1880, c’est le temps des machines. C’est l’industrie métallurgique avec ses énormes marteaux et ses laminoirs qui s’impose. Les photographes vont se trouver en retrait. Pourquoi ? A l’origine, les temps de pose étaient trop longs et la technique trop contraignante.L’industrie, vue de l’intérieur, se trouve exclue de fait.Il faudra attendre les années 1850 pour que, au-delà du portrait, les photographes conquièrent le monument et les paysages, donc les vues extérieures des usines. Durant cette même période, le monde technique a structuré l’espace. La construction du réseau ferré est dans un premier temps complètement liée à l’industrie. Pour des raisons de rayonnement économique et de ce que nous appelons aujourd’hui la communication, les compagnies privées commandent à des photographes de renom des reportages sur les ouvrages d’art ferroviaires. Pour le grand public, les usines et la technique se retrouvent en monstration dans les expositions universelles. A la fin du XIXème siècle et au début du XXème, des moteurs de plus en plus puissants, à vapeur puis magnéto-électriques, actionnent des machines « fabriquantes » toujours plus nombreuses et perfectionnées.Elles sont présentées entourées des hommes qui les servent.Lorsque les problèmes techniques sont résolus pour photographier dans la presque obscurité, alors, la photographie pénètre dans les usines et les ateliers. Ce sont des photographes spécialisés qui seront appelés pour officier ou qui seront engagés pour promouvoir l’entreprise.Au moment du Front Populaire, les éditions les Horizons de France publient « La France travaille » avec les photographies de François Kollar. Ce sera la glorification de l’industrie française et de l’ouvrier.Durant cette même période, à la suite de László Moholy-Nagy, des photographes vont être fascinés par la modernité de l’enchevêtrement des poutrelles d’acier, des constructions métalliques, des cheminées, des tuyauteries, représentées par des prises de vue utilisant la plongée et la contre-plongée, comme celles de Germaine Krull.La troisième industrialisation ouvre la voie à l’électronique puis à l’informatique. Les usines sont de vastes espaces sans, ou si peu, de présence humaine. Les photographes savent nous le rappeler. Témoins de la désindustrialisation, du démantèlement des usines, ils sont fascinés par la ruine romantique qui n’est plus celle du lierre et de la pierre.De la glorification des savoir-faire et du travail et de la croyance dans le progrès industriel à l’accompagnement dans son histoire, y compris dans sa phase la plus désastreuse, à l’esthétisation des matériaux de la modernité, la photographie escortera l’industrie tout au long de ces 150 ans passés.

Claudine Cartier, Conservateur général honoraire du patrimoine, commissaire de l’exposition

Sources iconographiques :
Fonds de l’Académie François Bourdon Le Creusot
Musée français de la Photographie Bièvres
Fonds des Archives départementales de l’Oise
Archives de la ville de Creil
Fonds de l’association Les amis du Patrimoine de Balagny
Fonds de l’Association pour la Mémoire Ouvrière et Industrielle du bassin creillois (AMOI) 

Du 4 avril au 31 mai l Musée Gallé-Juillet l Place François Mitterrand 60100 Creil l Tél. : 03 44 29 51 50 l du mercredi au samedi de 14h à 17h l le dimanche de 14h30 à 17h30